« Le destin , ce n’est pas une question de chance. C’est une question de choix. »
1923. Rosa, jeune espagnole de 15 ans décide de traverser les montagnes pour rejoindre le Pays Basque et travailler le temps d’une saison dans un atelier d’espadrilles, comme tant d’autres à cette époque, surnommées les « hirondelles« …
Un premier drame va se dérouler pendant cette dure traversée . Ce sera le point de départ de toute une vie; une vie que l’on découvre tout au long de cette lecture captivante, où la petite histoire nous raconte la Grande…
Pour Rosa, il ne s’agissait pas de se constituer un trousseau pour se marier, cette « migration » temporaire devait lui permettre de prendre son destin en main, d’échapper à sa condition… La nuance est importante, pour comprendre la vie de cette femme, fictive certes, mais qui représente à elle seule les changements sourds qui s’opèrent en chaque femme à cette époque.
Arrivée en France, rien ne se déroulera comme prévu, et cette jeune « hirondelle » va croiser la route d’intrigantes « cocottes »…
Des destins de femmes extraordinaires, d’un temps pas si lointain, où la condition féminine était encore chaotique.. Des sujets, pour le droit des femmes y sont abordés sous une plume juste et poignante, et à travers la vie de Rosa et de ses amies, on replonge – parfois avec effarement- dans des moments dramatiques de l’Histoire des Femmes, qui ont permis , progressivement (et tout n’est pas encore gagné !) l’évolution de notre société…
« Je ne me souviens pas de l’adresse ni des mots prononcés. Seulement du sang, des cris, et des aiguilles à tricoter. »
« Tu dois savoir qu’à l’époque, Liz, les divorcées étaient forcément considérées comme des traînées. Ce que l’on avait du mal à croire quand on voyait Mlle Thérèse, ses cheveux de neige, ses longues jupes plissées et son chemisier boutonné jusqu’au cou. »
« le souvenir de ma mère morte en couches, les cernes de Carmen et les coups que Robert frappait parfois la nuit à la porte, me faisait dire que je vivais mieux sans. Sans époux, sans amant. »
Pourtant à travers ces destins de femmes parfois tragiques, c’est bien une ode à la vie et à ses plaisirs dont nous parle l’auteure.
Recueillie dans la maison des Demoiselles, ces femmes mystérieuses et fantasques « qui vivent au milieu des livres, des jarretières et des coupes de champagne », Rosa va peu à peu s’émanciper, grandir et laisser la jeune fille fragile derrière elle pour devenir la femme forte, libre, audacieuse et inspirante qu’elle restera toute sa vie.
« Il n’y a que trois règles ici. La première: ne jamais tomber amoureuse. La deuxième: ne jamais voler l’homme d’une autre. La dernière: ne boire que du champagne millésimé » De ces trois règles, une seule pourtant serait respectée. »
Ce livre est un voyage .. voyage dans le temps, bien sûr, mais aussi à travers l’Espagne, le Pays Basque (dont l’auteure parle avec tant d’amour !), Paris, et même l’Amérique ! .. avec pour fil rouge, la résilience et l’émancipation de ces femmes « hors normes »…
« Le Paris de la Belle époque était celui de toutes les extravagances »
« Les pigeons, les oies, les grues, les cocottes, les hirondelles. Tous ces noms d’oiseaux, volatiles en quête de plaisir et de liberté. »
« J’avais été élevée par une vielle dame et un prêtre pour qui le plaisir n’était synonyme que de culpabilité. »
« Au milieu des machines, des croquis, des maquettes et des boîtes à chaussures , on dansait, on riait on chantait ».
« Les Demoiselles », c’est enfin et avant tout l’histoire de femmes cabossées par la vie, qui ne se sont pas résignées, et qui malgré les épreuves se sont battues avec courage pour leur liberté et leur droit au bonheur. De leurs blessures elles feront leurs forces, tout en tendant leurs mains à leurs sœurs d’infortune.
L’écriture authentique, documentée, passionnée d’Anne Gaelle Huon m’ a transporté… Difficile pour moi de me défaire de cette histoire brûlante, incandescente… ( à quand un tome 2 ?!? ) Merci Madame pour ce beau voyage, pour ces frissons, pour ces émotions, pour la narration de ce vécu, de l’histoire de ces « hirondelles », et de ces « cocottes », que je ne connaissais que trop peu, et qui s’inscrit pourtant telle une énième victoire en chacune d’entre nous.
Ce roman est tout simplement enivrant…alors, à l’image de ces Demoiselles, je vous invite à lire ce roman , et à trinquer à la vie avec une coupe de champagne millésimé 😉
« L’espoir, ce n’est pas de croire que tout ira bien, il a soufflé. Mais de croire que les choses ont un sens. »