« Excepté mes démangeaisons inexpliquées et ma passion dévorante pour mon mari, ma vie est parfaitement normale. Rien ne déborde. Aucune incohérence. Aucune manie. »

Ambiance…

« Mon mari » est le premier roman de Maud Ventura. Une pépite. Un roman addictif qui a du mal – vraiment du mal ! – à se laisser reposer avant la fin…

L’histoire se déroule au fil d’une semaine; chaque jour a sa propre couleur, sa propre énergie ..C’est de cette façon qu’ « elle » perçoit les choses, la vie, sa vie …

« J’ai toujours vu les jours en couleur. C’est même ainsi que je me repère dans le temps. Lorsque je prends rendez-vous quelque part, j’ai rarement besoin de le noter : mon emploi du temps apparaît devant mes yeux sous forme d’une frise colorée. »

« Elle » c’est une très belle femme qui a une vie parfaite : une belle maison, deux enfants, et surtout – SUTOUT – elle partage sa vie depuis 15 ans avec l’homme de sa vie, le père de ses enfants, qu’elle aime toujours aussi « follement » et qu’elle ne nomme jamais autrement que « mon mari »

Toute sa vie est centrée autour de lui, elle est d’ailleurs sans cesse en quête de moments seule avec lui…au point même d’en vouloir à ses enfants de leur « voler » du temps à deux…

« Mon idéal serait un tête à tête perpétuel avec mon mari : nous sommes tous les deux dans notre salon, nous buvons un café corsé et nous discutons pendant des heures. »

Le décor est planté dans un milieu bourgeois, qui donne une tonalité très particulière à l’ensemble, et surtout à cet amour qui nous interroge, nous laisse perplexe, tant il est étrangement intense …

« J’ai appris l’élégance (qui ne repose finalement que sur un trio simple : un manteau, un sac et des chaussures hors de prix. Une fois cette sainte trinité maîtrisée, le reste est facile) . (…) Bref, c’est ainsi que je suis devenue l’une de ces femmes aux collants jamais filés, et que j’ai appris à assortir mon apparence avec la maison bourgeoise que mon mari et moi avons achetée ». 

L’écriture est superbe : élégante et juste.

« A nos débuts, notre paysage amoureux ressemblait à une étendue infinie de dunes; il évoquait le danger de l’aridité et l’immensité du ciel étoilé, la chaleur étouffante du jour et la froideur soudaine de la nuit. Puis nous sommes devenus un lac : une étendue plate et lisse. J’ai vu mon mari s’habituer à ma présence jusqu’à ne plus la trouver miraculeuse. J’ai vu le désert se transformer en lac. »

A travers les mots de Maud Ventura , cette femme, cette « amoureuse » (amoureuse de l’amour ?…) nous questionne sur la passion, sur l’idéalisation d’une relation… et dans le même temps, sur les souffrances et les aliénations qui en découlent fatalement ..

« J’aime tellement fort que je me consume dans mon propre amour (…) J’aime et je veux être aimée avec tellement de sérieux que cet amour devient vite épuisant (pour moi, pour l’autre). Bref, j’ai l’amour malheureux. » 

La tension monte progressivement au fil du texte, au fil des jours de cette longue semaine…entre ombre et lumière…

La lecture est captivante, un brin glaçante,…et décalée ! Et cette fin !!!! ….Impossible d’en dire plus pour ne pas spoiler ! 😉 …

…Mais pour prolonger encore juste un peu le plaisir, je vous partage quelques extraits des jours « colorés » de cette femme transie d’amour… en espérant vous donner envie de vous plonger à votre tour dans cette lecture 😉 !

« Le lundi a toujours été mon jour préféré. Parfois, il se pare d’un bleu profond et royal -bleu marine, bleu nuit, bleu égyptien ou bleu saphir. Mais plus souvent le lundi prend l’apparence d’un bleu pratique économique et motivant, adoptant la couleur des stylos Bic, des classeurs de mes élèves et des vêtements simples qui vont avec tout. Le lundi est aussi le jour des étiquettes, des bonnes résolutions, et des boîtes de rangement. Le jour des choix judicieux et des décisions raisonnables (…) J’aime les situations initiales. Quand chacun est à sa place dans un monde à l’équilibre. » 

« Le mardi  est un jour belliqueux. Pas besoin de chercher des explications compliquées : sa couleur est le noir et son étymologie latine nous apprend que c’est le jour de Mars, le dieu de la Guerre. »

« Je suis de mauvaise humeur. Le mercredi est une journée orange, comme la clémentine… »

« Je débute mon jeudi jaune avec joie. »

« Heureusement, le vendredi me porte bonheur grâce à sa couleur, le vert. Ce n’est pas une superstition, il y a des faits qui ne trompent pas. « 

« Le samedi est rouge. Et celui de mon mari, rouge vif. Pour lui, le samedi est toujours un évènement joyeux.(…) Moi je préfère la routine des jours de semaine, le samedi m’intimide. »

« Le dimanche est en tous cas un choix stratégique, car c’est indiscutablement une journée blanche. » (…) Evidemment, c’est le blanc du sacré (…) Mais le blanc du dimanche n’est pas aussi simple qu’il n’en a l’air. L’optique nous apprend que le blanc est le résultat du mélange de toutes les couleurs (et non l’absence de couleurs, comme je le pensais). »